Communication orale donnée le 29 mai 2021 au colloque Dynamiken von Mehrsprachigkeit im digitalen öffentlichen Raum // Dynamics of multilingualism in the digital public space, université de Gießen (en ligne).
Depuis quelques années, on constate un intérêt croissant de la recherche pour l’apprentissage des langues dans les « digital wilds » (Hannibal Jensen, 2019 ; Sauro & Zourou, 2019) dans ce que Lammerts et al. (2012) appellent les « user-generated content affinity spaces ». Les chercheurs ont analysé les expériences des apprenants sur des sites participatifs, notamment des sites de jeux en ligne et les espaces d’échange qui leur sont associés (Curwood, 2013 ; Sundqvist, 2019 ; Thorne & Black, 2007) ainsi que sur des sites de fanfiction (Black, 2006, 2008 ; Brunel, 2018 ; Minkel, 2015 ; Sauro, 2014, 2017 ; Vazquez-Calvo et al., 2019). Ces études ont mis en évidence les nombreux avantages d’une telle participation en termes de construction identitaire, d’utilisation authentique de la langue cible, d’apprentissage de la langue cible et de développement des compétences interculturelles.
Malgré ces résultats encourageants, de nombreux auteurs considèrent qu’il est difficile, voire impossible, de proposer aux apprenants en milieu institutionnel des tâches sur de tels sites parce que les pratiques étudiées par la recherche ne concernent jusqu’ici que de rares cas de réussite, parce que certains apprenants peuvent être réticents à agir sur ces communautés en ligne et parce que cette participation peut également générer une vulnérabilité (Magnifico et al., 2018 ; Sockett & Toffoli, 2012 ; Toffoli & Sockett, 2010). Certains suggèrent donc de transposer certaines des pratiques en ligne à la classe de langue (Brunel, 2018 ; Petitjean & Brunel, 2018 ; Sauro & Sundmark, 2016 ; VazquezCalvo et al., 2019) sans demander aux apprenants d’être actifs sur Internet. Quelques chercheurs estiment cependant qu’il est possible et gratifiant de fournir aux apprenants ce qu’Ollivier et le projet elang du Centre européen pour les langues vivantes appellent des « tâches ancrées dans la vie réelle » (Jeanneau & Ollivier, 2018 ; Ollivier & projet e-lang, 2018).
Dans l’étude que nous présenterons, nous nous concentrons sur cette utilisation possible de sites participatifs avec des apprenants de langues dans des contextes institutionnels. Sur une période de cinq ans, nous avons invité différentes cohortes d’étudiants inscrits à un programme de Master en didactique du français langue étrangère à expérimenter des tâches ancrées dans la vie réelle sur Internet (participation à un forum et/ou un guide touristique collaboratif). Après chaque participation, nous avons demandé aux étudiants (futurs professeurs de français langue étrangère) de réfléchir à leur expérience. A travers une analyse thématique de contenu des commentaires des étudiants, nous montreront ce que les futurs enseignants pensent des atouts et limites de telles tâches, de la possibilité (ou non) de les mettre en œuvre avec leurs futurs apprenants et ce qu’ils considèrent comme les conditions de réussite de ce type de tâches dans le contexte de l’enseignement-apprentissage formel des langues.